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Fév 17

Les reports de voix dans la 4ème circonscription du Doubs

Le problème des reports de voix au second tour des législatives partielles de la 4ème circonscription du Doubs, et en particulier de celles du malheureux candidat  UMP ont fait couler beaucoup d’encre et ont même donné lieu à quelques argumentaires statistiques si l’on en croit l’article de Slate sur le sujet.

Nous ne pouvons qu’être ravis qu’une forme de rationalité statistique intervienne dans ce sujet délicat. Technodatics s’est aussi posé la question de ces reports de voix et arrive (malheureusement ?) à des conclusions légèrement (mais suffisamment !) différentes des conclusions de Slate mises en avant par Joël Gombin, dont le site présente les résultats.

Il n’est évidemment pas dans notre intention de polémiquer sur les chiffres tels qu’ils sont exposés mais éventuellement d’ouvrir un débat technique (dont les retombées politiques sont éventuellement importantes) sur la meilleure manière d’estimer les reports dans le contexte des élections à deux tours françaises.

La méthode que nous avons utilisée est beaucoup plus simple que celle de Joël Gombin. Elle consiste à postuler :

  1. une probabilité de transfert de chacun des résultats du premier tour vers les résultats du second tour (la contrainte est que la somme des probabilités de transfert d’un résultat du premier tour est de 1)
  2. le caractère binomial asymptotique (et donc approximable par une loi normale) des résultats des votes
  3. l’obtention des estimateurs des probabilités par une méthode des moindres carrés pondérés (par les fréquences * (1 – fréquences)) sous contraintes (les probabilités sont comprises entre 0 et 1 et somment à 1).

Ces postulats sont bien évidemment discutables mais reposent sur l’idée qu’un modèle simple et cependant réaliste est une bonne approximation de la réalité. L’avantage de cette stratégie est qu’elle conduit à une méthode d’estimation de type programmation quadratique extrêmement efficace : à titre de comparaison par rapport à la méthode de Joël Gombin qui évoque des problèmes de temps pour réaliser ses 50 000 itérations, la solution de notre méthodologie est obtenue sur un PC en  fin de vie en moins d’un quart de seconde.

Point important à noter, nous avons, comme Joël Gombin, travaillé avec le logiciel R et partageons donc avec lui un grand attachement à ce merveilleux outil statistique.

Nous fournissons simplement les résultats des estimations des probabilités de report telles que nous les avons obtenues par la méthode évoquée avec des fourchettes d’estimation extrêmes obtenues sur des sous-ensembles ne contenant que 60 des 96 bureaux. En ligne, les résultats du premier tour et en colonnes les résultats du second.

Barbier Montel Absentions Blancs Nuls
Minimum, Moyenne et Maximum
Bonnot 0- 31-100 0- 25-100 0- 38-100 0- 6-100 0- 0- 37
Vinci 0- 51-100 0- 49-100 0- 0- 0 0- 0- 47 0- 0- 69
Barbier 93-100-100 0- 0- 7 0- 0- 0 0- 0- 0 0- 0- 3
O 30- 75-100 0- 3-100 0- 22-100 0- 0- 45 0- 1- 98
Demouge 16- 27- 48 28- 36- 49 0- 13- 29 10- 16- 24 0- 7- 12
Boudjekada 0- 76-100 0- 0- 0 0- 24-100 0- 0- 0 0- 0- 0
Adami 0- 79-100 0- 1- 57 0- 18-100 0- 1- 29 0- 1- 23
Treppo 0- 7-100 0- 0- 37 0- 93-100 0- 0- 0 0- 0- 16
Lachambre 0- 68-100 0- 15-100 0- 1- 37 0- 1- 25 0- 16- 73
Hervé 0- 94-100 0- 0- 26 0- 5-100 0- 0- 0 0- 0- 0
Rousseaux 0- 39-100 0- 0-100 0- 60-100 0- 0- 62 0- 1-100
Sanchez 0- 10-100 0- 0- 0 0- 90-100 0- 0- 0 0- 0- 0
Montel 0- 0- 0 97-100-100 0- 0- 3 0- 0- 0 0- 0- 0
Abstentions 7- 10- 14 4- 8- 9 76- 81- 84 0- 1- 2 0- 0- 1
Blancs 10- 59-100 0- 40-100 0- 0- 54 0- 1- 54 0- 0- 28
Nuls 0- 10-100 0- 72-100 0- 14-100 0- 0- 7 0- 4- 84

On constate des différences sensibles avec l’article de Slate dont le chapô est :

La moitié des électeurs UMP du premier tour, et une petite minorité d’électeurs PS auraient basculé vers le FN au second. Le candidat PS aurait bénéficié d’une mobilisation des abstentionnistes du premier tour.

En ce qui nous concerne, nous notons un report des électeurs UMP vers le FN, certes majoritaire, mais seulement relatif (36 %) et d’un ordre de grandeur égal à celui du report vers le candidat socialiste (27%). S’ajoutent des transferts estimés vers l’abstention (13%), le vote blanc (16%) et le vote nul (7%) qui mettent en évidence beaucoup plus le désarroi des électeurs UMP qu’un report massif sur le FN.

Nous notons par ailleurs dans nos estimations une fidélité entre les deux tours aux choix du premier tour. Le report Barbier sur Barbier et Montel sur Montel sont beaucoup plus élevés que dans l’analyse de Slate (pour nous quasiment 100%) et ne pouvons donc souscrire à un quelconque transfert du candidat PS vers le candidat FN. Enfin, le report de l’abstention au premier tour  vers l’abstention au second tour est sensiblement plus élevé dans notre analyse (81%), ce qui a pour conséquence de ne mettre en évidence qu’une légère mobilisation des abstentionnistes du premier tour par les deux candidats du second et d’ailleurs de manière beaucoup plus égalitaire entre les deux candidats (Barbier 10% – Montel 8%).